Poème par Jean-Antoine De Baïf Recueil : Amours de FrancinePériode : 16e siècle
D’un chapeau qui fleuronne
La rose on ne couronne,
Tes atours en ce point
Ne te reparent point :
Mais ce sont les parures
De tes belles vetures
Les luysantes beautez
En toy de tous costez :
Les pierres precieuses,
Les robes somptueuses,
En tes acoustrements
Perdent leurs ornements.
Aucun coral n’aprouche
Du naïf de ta bouche,
Couvrant sous sa fraicheur
De tes dents la blancheur.
Prés tes dents compassées,
Les perles amassées
Sur le bord Indien
On ne priseroit rien.
De tes claires prunelles
Les flâmettes jumelles
Obscurcissent l’éclat,
Qui sous elles s’abat,
Des emeraudes fines.
Tes onglettes rosines
Eblouissent le teint
De l’onyce deteint.
Est-ce donques merveille,
Si sa bouche vermeille,
Ains Ceste de Cypris,
M’a tellement surpris ?
Et si ces gemmes rares
Peurent mes yeux avares
Et mon ame saisir
D’un honneste desir
De m’en faire un jour riche,
Si sa grace non chiche
Fait l’amoureuse mer
Sous mes rames calmer ?
Est-il qui s’ébaïsse,
S’une telle avarice
Me fit voguer soudain
Vers un si riche gain ?
La nef Portugaloise
Et la Normande voise
Sous le lit jaunissant
Où l’Aube, eclersissant
Nostre demeure sombre
De la nuit et de l’ombre,
Abandonne endormy
Son ja vieillard amy.
Jusque aux bouts de la terre
Un autre aille, et là serre
Les joyaux étrangers
Achettez par dangers
De perilleux orages.
Aux plus lointains rivages
Du gemmeux oriant,
Un autre aille triant,
Par les greves pierreuses,
Les pierres precieuses :
Moy, tant que je vivray
Icy je poursuivray
Mon heureuse fortune,
Nageant en l’amour d’une,
Qui, riche de joyaux
Plus riches et plus beaux,
Apauvrist les rivages
Des Indiens sauvages.
Jean-Antoine de Baïf