Soleil serpent

Poème par Aimé Césaire
Recueil : Les armes miraculeuses
Période : 20e siècle

Soleil serpent œil fascinant mon œil
et la mer pouilleuse d’îles craquant aux doigts des roses
lance-flamme et mon corps intact de foudroyé
l’eau exhausse les carcasses de lumière perdues dans le couloir sans pompe
des tourbillons de glaçons auréolent le cœur fumant des
corbeaux
nos cœurs
c’est la voix des foudres apprivoisées tournant sur leurs
gonds de lézarde
transmission d’anolis au paysage de verres cassés c’est
les fleurs vampires à la relève des orchidées
élixir du feu central
feu juste feu manguier de nuit couvert d’abeilles mon
désir un hasard de tigres surpris aux soufres mais l’éveil
stanneux se dore des gisements enfantins
et mon corps de galet mangeant poisson mangeant
colombes et sommeils
le sucre du mot Brésil au fond du marécage.

Aimé Césaire