Poème par Aimé Césaire Recueil : Soleil cou coupéPériode : 20e siècle
Hommes tant pis qui ne vous apercevez pas que mes yeux
se souviennent
de frondes et de drapeaux noirs
qui assassinent à chaque battement de mes cils
Hommes tant pis qui ne voyez pas qui ne voyez rien
pas même la très belle signalisation de chemin de fer que
font sous mes paupières les disques rouges et noirs du
serpent-corail que ma munificence love dans mes larmes
Hommes tant pis qui ne voyez pas qu’au fond du réticule
où le hasard a déposé nos yeux
il y a qui attend un buffle noyé jusqu’à la garde des yeux
du marécage
Hommes tant pis qui ne voyez pas que vous ne pouvez
m’empêcher de bâtir à sa suffisance
des îles à la tête d’œuf de ciel flagrant
sous la férocité calme du géranium immense de notre
soleil.
Aimé Césaire