Les Enfants et les Perdreaux

Fable par Jean-Pierre Claris de Florian
Période : 18e siècle

Deux enfants d’ un fermier, gentils, espiegles, beaux,
mais un peu gâtés par leur pere,
cherchant des nids dans leur enclos,
trouverent de petits perdreaux
qui voletoient après leur mere.
Vous jugez de la joie, et comment mes bambins
à la troupe qui s’ éparpille
vont par-tout couper les chemins,
et n’ ont pas assez de leurs mains
pour prendre la pauvre famille !
La perdrix, traînant l’ aile, appelant ses petits,
tourne en vain, voltige, s’ approche ;
déja mes jeunes étourdis
ont toute sa couvée en poche.
Ils veulent partager comme de bons amis ;
chacun en garde six, il en reste un treizieme :
l’ aîné le veut, l’ autre le veut aussi.
-tirons au doigt mouillé. -parbleu non. -parbleu si.
-cede, ou bien tu verras. -mais tu verras toi-même.
De propos en propos, l’ aîné, peu patient,
jette à la tête de son frere
le perdreau disputé. Le cadet en colere
d’ un des siens riposte à l’ instant.
L’ aîné recommence d’ autant ;
et ce jeu qui leur plaît couvre autour d’ eux la terre
de pauvres perdreaux palpitants.
Le fermier, qui passoit en revenant des champs,
voit ce spectacle sanguinaire,
accourt, et dit à ses enfants :
comment donc ! Petits rois, vos discordes cruelles
font que tant d’ innocents expirent par vos coups !
De quel droit, s’ il vous plaît, dans vos tristes querelles,
faut-il que l’ on meure pour vous

Florian