Fable par Jean-Pierre Claris de Florian Période : 18e siècle
Vous, de qui les attraits, la modeste douceur,
savent tout obtenir et n’ osent rien prétendre,
vous que l’ on ne peut voir sans devenir plus tendre,
et qu’ on ne peut aimer sans devenir meilleur,
je vous respecte trop pour parler de vos charmes,
de vos talents, de votre esprit…
vous aviez déja peur ; bannissez vos alarmes,
c’ est de vos vertus qu’ il s’ agit.
Je veux peindre en mes vers des meres le modele,
le sarigue, animal peu connu parmi nous,
mais dont les soins touchants et doux,
dont la tendresse maternelle,
seront de quelque prix pour vous.
Le fond du conte est véritable :
Buffon m’ en est garant ; qui pourroit en douter ?
D’ ailleurs tout dans ce genre a droit d’ être croyable,
lorsque c’ est devant vous qu’ on peut le raconter.
Maman, disoit un jour à la plus tendre mere
un enfant péruvien sur ses genoux assis,
quel est cet animal qui, dans cette bruyere,
se promene avec ses petits ?
Il ressemble au renard. Mon fils, répondit-elle,
du sarigue c’ est la femelle ;
nulle mere pour ses enfants
n’ eut jamais plus d’ amour, plus de soins vigilants.
La nature a voulu seconder sa tendresse,
et lui fit près de l’ estomac
une poche profonde, une espece de sac,
où ses petits, quand un danger les presse,
vont mettre à couvert leur foiblesse.
Fais du bruit, tu verras ce qu’ ils vont devenir.
L’ enfant frappe des mains ; la sarigue attentive
se dresse, et, d’ une voix plaintive,
jette un cri ; les petits aussitôt d’ accourir,
et de s’ élancer vers la mere,
en cherchant dans son sein leur retraite ordinaire.
La poche s’ ouvre, les petits
en un moment y sont blottis,
ils disparoissent tous ; la mere avec vîtesse
s’ enfuit emportant sa richesse.
La péruvienne alors dit à l’ enfant surpris :
si jamais le sort t’ est contraire,
souviens-toi du sarigue, imite-le, mon fils :
l’ asyle le plus sûr est le sein d’ une mere.
Florian