A la mémoire de Gambetta

Poème par Charles Cros
Recueil : Le collier de griffes
Période : 19e siècle

Le grand Lion est mort. Il reste les renards,
Les fouines, les chiens, les rats et les lézards.
Ces bêtes ne sont pas absolument impures
Elles savent manger nos plus sales ordures
Et peuvent nettoyer nos plus puants égouts ;
Mais, Lui le grand Lion, n’avait pas de ces goûts,
Il allait à travers la Forêt séculaire,
Et sans souci d’ailleurs de plaire ou de déplaire
Posait sa bonne patte onglée entre les houx
Des clôtures, et sur les sages rangs de choux,
Que les Tranquilles, que les Lâches (trois ou quatre
En France) arrosent sans penser qu’on va se battre.
La patte onglée était belle, écrasant les choux ;
Et vous lézards, vous chiens, rats, fouines et vous
Renards, qui vous rendra votre folle assurance ?

Le grand Lion est mort, dans la Forêt de France.

Charles Cros