Scène d’atelier

Poème par Charles Cros
Recueil : Le coffret de santal
Période : 19e siècle

A Edouard Manet.

Sachant qu’Elle est futile, et pour surprendre à l’aise
Ses poses, vous parliez des théâtres, des soirs
Joyeux, de vous, marin, stoppant près des comptoirs,
De la mer bleue et lourde attaquant la falaise.

Autour du cou, papier d’un bouquet, cette fraise,
Le velours entourant les souples nonchaloirs,
Ces boucles sur le front, hiéroglyphes noirs,
Ces yeux dont vos récits calmaient l’ardeur mauvaise,

Ces traits, cet abandon opulent et ces tons
(Vous en étiez, je crois, au club des Mirlitons)
Ont passé sur la toile en quelques coups de brosse.

Et la Parisienne, à regret, du sofa
Se soulevant, dit: «C’est charmant!» puis étouffa
Ce soupir: «Il ne m’a pas faite assez féroce!»

Charles Cros